Vive l'École Républicaine ?

 

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Vive l'École Républicaine ?

Libres propos sur :

 « Au tableau, Monsieur le Président ! Pour une école enfin républicaine ».

 

Par Jean-Daniel Rohart

 

Dans son dernier livre, Alain Bentolila[1] dresse un bilan à la fois terrible et juste de la situation  de notre École : « Cette école est à bout de souffle (…), elle a épuisé ses forces, elle a usé ses réserves d'enthousiasme et de dévouement »[2]. Les enseignants sont, ou étaient, c'est vrai, dans une large mesure, enthousiastes et dévoués. Cet enthousiasme et ce dévouement sont ou étaient même ce qui caractérisait la situation de l'École, selon Karl Jaspers, lequel écrivait : « L'inquiétude contemporaine à l'égard de l'éducation se manifeste dans l'intensité des efforts pédagogiques (…), dans l'immense littérature que l'on publie chaque année sur la question, dans les perfectionnements que l'on apporte sans cesse à l'art didactique »[3].

Dans le Livre vert sur l'évolution du métier d'enseignant, on peut lire que, même si le métier d'enseignant est devenu un métier impossible, « les professeurs ne baissent pas les bras »[4].

Même si ce dévouement est ou était « plus grand qu'à aucune autre époque de l'histoire », selon Karl Jaspers, il n'a que peu d'effet sur le fonctionnement de l'école et sur les résultats obtenus, car « il manque de l'appui d'une totalité et d'une cohérence », ce qui conduit le plus souvent à l'impasse, au découragement et à la souffrance, tant chez les professeurs, que chez les élèves et leurs parents.

Or, cette cohérence et cette totalité ne sont vraisemblablement pas d'ordre idéologique. Alain Bentolila a raison de dénoncer les vaines polémiques qui déchirent « deux groupes farouchement antagonistes, persuadés chacun de détenir la bonne solution pédagogique et la juste ligne idéologique »[5].

Le diagnostic que dresse Alain Bentolila est juste, il fait d'ailleurs largement consensus aujourd'hui. Mais c'est sur le type d'aptitude à adopter face à cette situation, que les avis divergent. Alain Bentolila parle constamment de la nécessité de résister moralement. Il nous faudrait, selon lui, résister et continuer à « assumer fièrement (les) valeurs républicaines ».

Mais si c'étaient précisément les fondements mêmes de l'École républicaine qui étaient désormais saturés, usés ? N'y aurait-il pas urgence à imaginer d'autres fondements que ceux que nous offre l'idéal républicain, au lieu de nous arquebouter sur des mythes qui, à l'évidence, ne fonctionnent plus ?

Une Nation a certes besoin de mythes fondateurs et fédérateurs, mais lorsque les mythes qui fondaient le vivre ensemble et structuraient une culture, sont usés et saturés, il convient d'en imaginer d'autres, de faire preuve d'inventivité et de créativité, plutôt que de continuer à recourir à des modèles anciens, même si ces derniers ont eu leur heure de gloire et ont produit, à une certaine époque, des effets heureux et bénéfiques.

Rien ne sert de résister pour donner vie et consistance à des mythes qui sont devenus inconsistants, parce qu'ils ne répondent plus aux besoins de notre société et de notre École, qu'ils ont désormais fait la preuve de leur incapacité à répondre aux enjeux actuels. Il convient de repenser l'École sur des bases anthropologiques totalement différentes, de sortir enfin du XIXe siècle, pour entrer hardiment dans le XXIe siècle ! Car, c'est vrai, notre École continue, en fait, de fonctionner sur des bases anthropologiques largement héritées du XIXe siècle[6].

Il convient de sortir de la mentalité idéologique et d'entreprendre un véritable renversement anthropologique, afin de construire les bases d'une nouvelle éducation, une éducation postmoderne qui soit adaptée aux enjeux actuels[7].

 

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[1] Alain Bentolila, Au tableau, Monsieur le Président ! Pour une école enfin républicaine. Éditions Odile Jacob, janvier 2012.

[2] Alain Bentolila, Op. cit., p.11.

[3] Kark Jaspers, La situation spirituelle de notre époque. Desclée de Brouwer, E. Nauwelaerts, 1951.

[4] Marcel Pochard, Le livre vert sur l'évolution du métier d'enseignant, La Documentation Française, 2008, p.69.

[5] Alain Bentolila, Op. cit., p.15.

[6] Gilbert Durand, Introduction à la mythodologie. Mythes et sociétés. Albin Michel, p.41 : « Nos pédagogies continuent à distribuer à une population d'au moins cinq à dix-huit ans (…) l'idéologie prométhéenne du XIXe siècle ».

[7] Jean-Daniel Rohart, Plaidoyer pour une autre éducation. Pensée jungienne et action éducative. Avec une préface de Michel Maffesoli. Collection « La quête du Soi », Éditions Dervy, Automne 2012.

 

 

 

 


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