|
Hans
eut aussi une fille. C’est une histoire un peu curieuse. Je ne sais
pas si je dois la raconter, trahissant le secret de Hans. Longtemps
avant de connaître María, Hans rencontra une certaine Charlotte
dont il tomba amoureux fou sur le coup. Elle
sut le rendre follement et à jamais épris d’elle, en passant une
seule fois par hasard sous son regard pourtant déjà occupé à
autre chose au moment de cet inoubliable passage. Jamais il ne la
revit. Jamais elle ne repassa sous son regard distrait, mais son
souvenir resta pourtant pour toujours et amoureusement gravé en lui,
à son plus grand regret et pour le malheur des siens.
Charlotte,
depuis ce jour lointain dormit toujours à ses côtés au lit, une
présence invisible et obsédante, qui réveillait inéluctablement
en lui le désir turgescent d’elle. Passant sous son regard,
Charlotte avait su emmener prisonniers à jamais avec elle, et son
cœur et son sexe, et lorsqu’il épousa María par dépit, crut-il
alors, avant de tomber une nouvelle fois amoureux, le jour des Noces,
ils formèrent un curieux couple un peu bancal à trois, à l’insu
de María et de la belle passante mariée de force et
fantasmatiquement à un homme que, pourtant, jamais elle ne connut
vraiment. Hans
appela la belle passante française Charlotte, il ne sut jamais
vraiment pourquoi, vu qu’elle n’eut le temps de lui donner ni sa
vertu, ni son prénom, et pour cause, tant son passage avait été
rapide, mais décisif.
De
ce couple trinitaire naquit une fille blonde, que Hans désira alors
appeler, non Charlotte, en souvenir de sa mère imaginaire, mais
Carlota dans la langue tropicale et maternelle de son épouse, pour
donner le change et pour que la génitrice ne sût jamais que cette
enfant était le fruit d’un amour complexe et composite, qu’elle
avait en fait deux mères et un seul père déchiré entre deux
Amantes qu’il aimait d’un amour d’un égal rayonnement, deux
Amantes irréconciliables à jamais, malgré les efforts qu’il fit
pour les associer toutes les deux à son bonheur conjugal d’homme
ayant deux sources naturelles d’énergie vitale : Carlota et
María,
ou inversement, que rien ne prédisposait à se rencontrer en un
alchimique mariage de déraison. Il en résulta un certain
tiraillement secret entre elles et une mystérieuse zizanie dans ce
couple souterrainement et organiquement triple et divisé.
Carlota
en resta à jamais marquée en son for intérieur et dut entreprendre
en vain une thérapie, pour tenter de démêler une origine trouble
et alimentée par deux sources amoureuses entraînant inéluctablement
en elle un excès de sève vitale et une difficulté à construire un
Moi solide et Un, généralement résultat des soins protecteurs
d’une seule mère et d’un père, réunis en un mariage seulement
duel et monothéiste, au lieu que ce mariage polythéiste ne pouvait
donner naissance qu’à un être tourmenté ou révolté. Créant
sans cesse pour garder un équilibre incertain, troublé et instable,
à cause d’une origine maternelle double et trop riche en lait
imaginal. Ce qu’il eût fallu pour que Carlota recouvrât vraiment
sa santé, c’est que Hans divorçât d’avec au moins une de ses
Amantes intérieures, mais il ne sut jamais de laquelle se séparer,
tant il aimait María et Charlotte, Charlotte et María, d’un amour
égal en intensité et siamois.
Jean-Daniel
Rohart
Contact
Jean-Daniel ROHART
51100 Reims
jeandanielrohart@hotmail.com
|