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  Contes de la Folie Verte - extrait  

 


J’économise, donc je suis

            Il ne savait que faire de ses lentes heures, il ne partageait presque plus rien avec personne, si ce n’est peut-être un éternel désespoir avec un dieu lointain, muet et déçu, il s’était vidé de tout préjugé, il était seul, ses jours étaient longs comme étaient longs son ennui et sa solitude. Inspiré par une voix en lui, il décida soudain d’occuper son temps à faire des économies. Le plaisir de ne pas dépenser un seul centime d’euro par jour, occupa alors le vide qui le séparait de la plénitude un instant escomptée grâce à l’entremise d’un dieu plus ou moins imaginaire. Il n’atteignit certes pas la plénitude lointainement rêvée, mais le ressassement de la fierté que faisait naître en lui le fait de ne rien acheter suffisait désormais à occuper ses longues heures qu'il passait dans les parcs ou à déambuler dans les rues de la ville.

Il mâchait mentalement sa fierté comme un chewing-gum à la chlorophylle et il se retrouvait sans cesse à la campagne, près d’un ruisseau bruissant, respirant à plein poumon un air pur et bio, ce passage de l’air en ses poumons rajeunis lui remettait en mémoire quelque chose comme un plaisir enfantin peut-être jamais vraiment connu, le plaisir d’être, tout simplement être, avant une chute logiquement postulée. Une mère imaginaire le complimentait sans cesse pour son sens de l’économie et ses compliments se mirent à leur tour à combler sa solitude ; ne dépensant rien, ne faisant rien, il était tout ce que l’on peut être, tout pour une mère amoureuse du sens de l’économie de son fils et cet amour absolu pour un fils économe comblait soudain sa vie. Il n’avait besoin de rien d’autre pour être heureux, il s’assit donc sur un banc, témoin de son sentiment de plénitude, lequel semblait le regarder, fier de lui, lui aussi, et finit par épouser sa mère, ce sentiment commun d’admiration pour son sens de l’économie ayant fait naître entre eux l’amour.

Le voyant respirer le bonheur et la paix de l’Âme, une jeune fille vint s’asseoir à ses côtés sur son banc et lui promit un amour éternel, disait-elle, s'il acceptait de partager avec elle le sentiment de bonheur qu’elle avait cru lire sur son visage, sur ses lèvres et dans ses yeux bleus.

 

Jean-Daniel Rohart


 

 

 

Carlota

                                                                                                                                                                                                                              À Pedro Almodóvar

                                                                                                                      

Hans eut aussi une fille. C’est une histoire un peu curieuse. Je ne sais pas si je dois la raconter, trahissant le secret de Hans. Longtemps avant de connaître María, Hans rencontra une certaine Charlotte dont il tomba amoureux fou sur le coup. Elle sut le rendre follement et à jamais épris d’elle, en passant une seule fois par hasard sous son regard pourtant déjà occupé à autre chose au moment de cet inoubliable passage. Jamais il ne la revit. Jamais elle ne repassa sous son regard distrait, mais son souvenir resta pourtant pour toujours et amoureusement gravé en lui, à son plus grand regret et pour le malheur des siens.

Charlotte, depuis ce jour lointain dormit toujours à ses côtés au lit, une présence invisible et obsédante, qui réveillait inéluctablement en lui le désir turgescent d’elle. Passant sous son regard, Charlotte avait su emmener prisonniers à jamais avec elle, et son cœur et son sexe, et lorsqu’il épousa María par dépit, crut-il alors, avant de tomber une nouvelle fois amoureux, le jour des Noces, ils formèrent un curieux couple un peu bancal à trois, à l’insu de María et de la belle passante mariée de force et fantasmatiquement à un homme que, pourtant, jamais elle ne connut vraiment. Hans appela la belle passante française Charlotte, il ne sut jamais vraiment pourquoi, vu qu’elle n’eut le temps de lui donner ni sa vertu, ni son prénom, et pour cause, tant son passage avait été rapide, mais décisif.

De ce couple trinitaire naquit une fille blonde, que Hans désira alors appeler, non Charlotte, en souvenir de sa mère imaginaire, mais Carlota dans la langue tropicale et maternelle de son épouse, pour donner le change et pour que la génitrice ne sût jamais que cette enfant était le fruit d’un amour complexe et composite, qu’elle avait en fait deux mères et un seul père déchiré entre deux Amantes qu’il aimait d’un amour d’un égal rayonnement, deux Amantes irréconciliables à jamais, malgré les efforts qu’il fit pour les associer toutes les deux à son bonheur conjugal d’homme ayant deux sources naturelles d’énergie vitale : Carlota et María, ou inversement, que rien ne prédisposait à se rencontrer en un alchimique mariage de déraison. Il en résulta un certain tiraillement secret entre elles et une mystérieuse zizanie dans ce couple souterrainement et organiquement triple et divisé.

Carlota en resta à jamais marquée en son for intérieur et dut entreprendre en vain une thérapie, pour tenter de démêler une origine trouble et alimentée par deux sources amoureuses entraînant inéluctablement en elle un excès de sève vitale et une difficulté à construire un Moi solide et Un, généralement résultat des soins protecteurs d’une seule mère et d’un père, réunis en un mariage seulement duel et monothéiste, au lieu que ce mariage polythéiste ne pouvait donner naissance qu’à un être tourmenté ou révolté. Créant sans cesse pour garder un équilibre incertain, troublé et instable, à cause d’une origine maternelle double et trop riche en lait imaginal. Ce qu’il eût fallu pour que Carlota recouvrât vraiment sa santé, c’est que Hans divorçât d’avec au moins une de ses Amantes intérieures, mais il ne sut jamais de laquelle se séparer, tant il aimait María et Charlotte, Charlotte et María, d’un amour égal en intensité et siamois.

Jean-Daniel Rohart

 


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