Conditions de l'éducation

 

AccueilPublicationsEducationTémoignagesLittérature¡ En español !MédiasRencontresCarl RogersC.G. JungInspectionDon BoscoBlog de HansNouveaux livresComptes-rendusLecturesLiens

jeandanielrohart@hotmail.com

 

 

 M.C. Blaise, M. Gauchet, D. Ottavi, Conditions de l'éducation. Paris, Stock, 268 p.


 

Cet ouvrage procède d'un séminaire conduit en commun à l'EHESS, de 2002 à 2006, par Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi, dont il rassemble les contributions respectives... Et il mérite incontestablement une lecture attentive car il est, à beaucoup d'égards, très séduisant même si, par ailleurs, il s'avère insatisfaisant.

Séduisant, il l'est par l'intelligence pénétrante des analyses qu'il propose de ce qu'il est convenu d'appeler la crise de l'École et, plus largement, de l'éducation. Délaissant les banalités dont celle-ci est l'objet, il en renouvelle la perception en changeant de niveau d'interprétation. Qu'il s'agisse – pour en reprendre les quatre principales thématiques – de la relation famille-école, du sens des savoirs, de la fonction de l'autorité ou de l'articulation société-école, il se situe en amont de l'institution scolaire proprement dite et renvoie aux évolutions sociétales et culturelles globales qui la fragilisent et rend compte des impasses actuelles par des facteurs autres qu'intra-scolaires. On est loin, ici, des bavardages simplistes et des criailleries agressives sur « le manque de moyens » comme des sociologies causalistes à la mode. Il s'agit, selon le titre même du livre, des « conditions de l'éducation », qui ne sont plus réunies et qu'il importerait de « reconstruire » ou de « réinventer » (p.9). On appréciera particulièrement, à cet égard, les pages sur la discontinuité entre les générations, qui compromet la transmission, ou celles qui traitent du sens de la loi et de l'autonomie. Comment l'École, censée préparer à la vie tout en en mettant à l'écart, pourrait-elle à la fois motiver vis à vis de l'univers artificiel qu'elle constitue et rejoindre celui dont elle tient à distance ? Les enfants percevant de moins en moins en quoi consiste le travail de leurs parents, comment pourrait-elle y préparer et nourrir leur « désir d'apprendre » ? (p.243). On appréciera aussi à juste titre les pages sur Freinet ou sur Neill. Sur tous ces points, et bien d'autres encore, ce volume stimule et active la réflexion.

Et cependant, sans doute en raison même de l'attente que soulève sa qualité, on est simultanément un peu déçu : d'abord par une écriture, ici ou là inutilement elliptique, et par la discontinuité du plan, due à la pluralité des auteurs ; davantage, ensuite, parce que l'ampleur même des perspectives historiques et l'ambition d'immenses fresques sociologiques laisse parfois l'impression de jugements hâtifs ou insuffisamment argumentés, qui ne rendent pas compte de toute la complexité des évolutions évoquées. Le thème de la diversification ethnico-culturelle de la population scolaire n'est guère pris en compte. Plus encore, les longues pages sur l'autorité (3ème partie + annexe) s'avèrent insatisfaisantes. Si le souci de bien distinguer entre autoritarisme et autorité est pertinent, on est surpris de lire que le refus de la punitivité violente serait attribué au « projet républicain » (p.174), comme s'il en était l'initiateur, alors qu'elle était récusée et progressivement condamnée depuis déjà longtemps par toute l'évolution de la pédagogie chrétienne, dès l'époque de Saint Vincent de Paul et, a fortiori, par tous les grands fondateurs du début du XIXe siècle. La libéralisation de la discipline et la valorisation d'une relation confiante n'ont attendu ni Jules Ferry ni Ferdinand Buisson...

Au total, on souhaiterait que ce livre se poursuive au delà de sa conclusion. Évoquant l'éducation familiale, les auteurs écrivent que, si « on peut y déceler une volonté de bien faire », « les investissements (familiaux) s'accompagnent souvent d'une méconnaissance des vrais besoins de l'enfant » (p.264). Mais ils ajoutent aussitôt qu'il « faudrait pousser plus loin l'investigation pour définir ceux-ci avec précision » (id). Pourquoi ne disent-ils pas comment remédier à « l'aveuglement » dans lequel « les difficultés actuelles de l'éducation ont leur racine la plus profonde » (p.265) ? On aimerait enfin leur voir indiquer quelles sont, à leurs yeux, « les conditions de l'éducation » qui exigent « une tache de représentation » (p.7) et qui sont « à réinventer de fond en comble » (p.9).

Guy Avanzini.  

 

 

 


Copyright(c) 2006 Jean-Daniel Rohart. Tous droits réservés.