Texte
de Philippe Cuisset, professeur de Lettres, suite
à la parution de : La vie et l’éducation. Suivi de : Comment
réenchanter l’Ecole ? par Jean-Daniel Rohart. Editions
L'Harmattan
Cet essai de Jean-Daniel ROHART décompose les malaises de
l’Ecole avec une lucidité qui risque de prendre à rebrousse-plumes les cohortes
d’autruches prisonnières de certitudes. Il s’adresse à ceux qui voudraient
encore accorder un sens à ce signe précieux, quasi exclusivement associé au
malaise par un système politico-médiatique avide de simplifications sensationnelles
ou clientélistes.
Courageusement,
même dans l’humour, ce livre tente d’orienter tous les acteurs de l’éducation
vers une réflexion éthique qui vole largement – et heureusement ! –
au-dessus des querelles boutiquières et des caquetages de basse-cour où les
dindons et les paons finissent toujours, dans un silence gêné, par se joindre
aux autruches ensablées déjà évoquées.
On y lit enfin
que l’institution entière est clairement anxiogène et pathogène :
- Souffrance des élèves, sur lesquels s’exercent les pressions
parentales, professorales et plus largement sociales, et qui ressentent plus ou
moins confusément l’entreprise de tri sélectif opérée par le jeu des filières
dont la finalité se réduit à la réussite ou bien à l’échec professionnels.
- Souffrance des professeurs, vecteurs et outils parfois
consentants de cette violence économique, qui se voient persécutés par les
élèves, dénigrés par l’Opinion, abandonnés par une hiérarchie aveugle.
- Déliquescence vaniteuse de la formation, absurdité infantilisante
de l’inspection, ambitions restreintes des syndicats, discours obsessionnels et
pervertis autour de l’égalité des chances… autant de facteurs aggravant le
fameux « malaise » d’une institution qui se prétend formatrice de
l’individu et qui n’est, à tout prendre, qu’un élevage d’élèves/alevins
pataugeant dans des bassins de formation dont les eaux troubles accentuent
encore la peur des requins régissant la Loi du Marché.
Cette réduction
de la fonction de l’Ecole à une simple antichambre de la sphère professionnelle
fait donc l’objet d’une critique précise et drôlement audacieuse.
Ainsi le
constat, d’autant plus affligeant qu’il est évident énoncé au chapitre huit :
« Les études ne s’inscrivent pas dans la vie, elles sont le prix à payer
pour entrer dans la vie professionnelle dans les meilleures conditions
financières possibles. Elles ont rarement un sens pour les jeunes
actuels ».
Ce désolant
bilan se trouve balayé par une mise en chantier joyeuse et originale de natures
thérapeutique, intellectuelle et éducative. Il était largement temps qu’un
professeur fasse le chantier à l’Ecole. Et c’est en compagnie des JUNG,
BACHELARD, JASPERS, NIETZSCHE pour ne citer qu’une partie des membres de la
sarabande que Jean-Daniel ROHART élabore son réenchantement.
Ce livre
permettra, sinon une refonte (changer le moule ne changera pas la nature du
métal), moins encore des réformes (faussement innovantes), mais peut-être de
reconsidérer la vie et l’éducation en proposant précisément de mettre de la vie
dans l’éducation.
Ambition vitale,
éthique loin des pitoyables discours doloristes, nerveusement laïques ou
orgueilleusement citoyens. Pour notre part, nous souhaitons que ce chant ne
soit pas celui d’un cygne, ni même le dernier soupir d’un mammouth dépecé
vivant, mais plutôt celui d’un allègre Phénix archétypique.
Philippe Cuisset
Contact
Jean-Daniel ROHART
51100 Reims
jeandanielrohart@hotmail.com
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